Situé dans le sud-est de l’Albanie, à la périphérie de la ville actuelle de Korçë, le site de Barç occupe le sommet d’une colline dominant le village du même nom. Sa position élevée offre un vaste panorama sur la plaine et les montagnes environnantes, en faisant un point d’observation privilégié d’où l’on distingue plusieurs sites protohistoriques de plaine et de hauteur. Le promontoire, dans la chaîne de Morava, présente des pentes abruptes à l’est et du nord au nord-ouest, tandis que le versant ouest, plus doux au sommet, devient raide à sa base. Le site s’étend sur environ 145 mètres, entre deux sommets séparés par une crête, et l’accès le plus aisé se fait par un petit col situé au sud. À l’extrémité nord, un fossé peu profond de datation incertaine, interrompu par un escarpement rocheux, est accompagné d’alignements de pierres pouvant correspondre à des vestiges de murs. Plus au sud, d’autres alignements jalonnent la crête. La structure la plus remarquable est le tertre artificiel de l’extrémité sud, large de 10 à 15 mètres de diamètre, composé de pierres et de terre et qui épouse la pente naturelle. Des sondages clandestins, de forme rectangulaire, y ont été repérés près de son sommet et sur le flanc sud-ouest.
Le site de Barç est mentionné pour la première fois dans les années 1960 par l’archéologue albanaise Zh. Andrea, à la suite d’une campagne de prospection dans la région de Korçë. Dans sa brève description, elle souligne l’absence de murs et la forte concentration de tessons de céramique sur le sommet sud et la pente ouest de la colline. Elle attribue l’occupation du site à la fin de l’âge du Bronze et au début de l’âge du Fer, notant que la céramique à peinture mate de cette période est très proche de celle du site de Tren. Elle relève également la présence de céramiques hellénistiques et romaines et insiste sur la nécessité d’entreprendre des fouilles pour mieux comprendre la nature du site. On retrouve plus tard des mentions de Barç, tirées des notes de Zh. Andrea, parmi celles des promontoires de l’âge du Fer qui entourent le bassin.
En 1993, la Mission archéologique franco-albanaise du bassin de Korçë (MAFAK) a été créée sous l’égide du ministère des Affaires étrangères et de l’École française d’Athènes, en partenariat avec l’Institut archéologique de Tirana (Instituti i Arkeologjisë). Active depuis dans le bassin, elle a consacré le quadriennal 2021-2024 à la finalisation des recherches antérieures, en vue de lancer un nouveau programme archéologique à partir de 2022. Ces campagnes de fouilles visaient à déterminer la nature du site et à préciser la chronologie de ses phases d’occupation. La zone jugée la plus pertinente pour atteindre ces objectifs était le tertre artificiel en pierre et en terre du sommet sud, parfois interprété comme un tumulus de l’âge du Fer.
Les trois années de fouilles qui se sont achevées en 2024 sur le site de Barç, ont permis de confirmer le caractère non funéraire du site, grâce à la découverte de nouvelles structures témoignant de la complexité du site. Dans un deuxième temps, elles ont fourni des indices très importants concernant la chronologie du site et ses phases d’occupation. Elles ont confirmé que le site a été occupé pendant une longue période, de l’âge du bronze tardif à la période romaine, avec quelques interruptions. Les résultats sont particulièrement importants pour la préhistoire récente du bassin de Korçë, l’âge du bronze tardif et l’âge du fer, et montrent le potentiel du site pour l’étude de la dynamique des peuplements dans la région pendant ces périodes.
Ces campagnes ont démontré pour la première fois, en termes de chronologie absolue, l’établissement des premières installations défensives possibles au sommet des collines à l’âge du bronze tardif, dans des emplacements stratégiques et privilégiés qui permettaient de contrôler les voies d’accès et la plaine. La réoccupation du site au sommet de la colline au VIIIe siècle avant J.-C., probablement d’une nature différente, comme le suggèrent les traces d’activités domestiques ou autres qui auraient pu avoir lieu sur le site, suggère la présence d’une communauté permanente, très probablement une petite communauté qui y a vécu pendant les VIIIe et VIIe siècles avant J.-C. Cette date de réoccupation du site fournit des informations importantes sur la dynamique des établissements de l’âge du fer, mal connue dans la région, et correspond bien à ce qui a été proposé par des recherches antérieures dans le bassin : l’abandon des plus grandes agglomérations de la plaine vers la fin du VIIIe siècle avant J.-C., comme c’est le cas des établissements lacustres de Sovjan et Maliq, ainsi que d’autres changements importants attestés à cette période (démographiques, sociaux, environnementaux), pourrait être associé au déplacement des sites d’habitation vers les hauteurs entourant la plaine de Korçë.
Bibliographie
Les travaux effectués dans le bassin de Korçë paraissent dans le Bulletin de correspondance hellénique (BCH – Persée) et dans le Bulletin archéologique des EFE (BAEFE – OpenEdition).
Quelques ouvrages de référence :
- Zh. Andrea, Rezultatet e kërkimeve informative në rrethin e Korçës. Materiale të sesionit arkeologjik, 2-3/x/1967 (1968), p. 125-135, 1968
- C. Oberweiler, G. Touchais, P. Lera, Les dynamiques d’implantation des habitats dans le bassin de Korçë (Albanie) de la préhistoire à la période médiévale : facteurs humains et paléoenvironnementaux, dans J.-L. Lamboley, L. Përzhita, A. Skënderaj (eds), l’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité VI, Actes du VIe colloque international de Tirana, 20-23 mai 2015, Paris (2019), vol. III, p. 935–946, 2019
- R. Kurti, C. Oberweiler, Raport mbi vëzhgimin arkeologjik në qendrat e lartësive kodrinore përreth pellgut të Korçës (misioni arkeologjik shqiptaro-francez i Pellgut të Korçës, 2018-2019). Candavia 8, p. 67–107, 2020
- P. Lera, Gjurmë të reja të lashtësisë në Pellgun e Korҫës, Monumentet, 1, (1971), f. 176-183, 1971












