Les circonstances d’une naissance

Une phrase d’un des directeurs de l’EFA, Théophile Homolle, résume parfaitement les conditions d’une naissance : nous devons l’existence de l’École « à deux révolutions, l’une politique, l’autre littéraire ; la révolution grecque et la révolution romantique. L’Itinéraire de Paris à Jérusalem, les Orientales, en exaltant les beautés de la Grèce antique, les misères, l’héroïsme de la Grèce moderne, imposèrent à tous les esprits, à tous les cœurs la patrie de Périclès et de Canaris ».

De fait, la France avait activement participé à l’avènement de l’État grec. Puissance protectrice, elle avait dépêché le corps expéditionnaire du général Maison, qui mit fin aux combats dans le Péloponnèse. À cette action militaire était liée une grande expédition scientifique, l’Expédition de Morée (1829-1831), conçue sur le modèle de celle qui avait été envoyée en Égypte et patronnée par trois Académies. L’action conjointe des militaires et des savants symbolise assez bien le double intérêt géopolitique et scientifique pour la Grèce.

Ces deux motivations expliquent l’ordonnance de fondation de septembre 1846. Elle est née de la volonté des « politiques » : l’ambassadeur de France en Grèce, Piscatory, et le ministre grec Colettis, qui avaient tissé des liens pendant la guerre d’Indépendance, voulaient conforter les intérêts du « parti » français contre l’influence des Anglais, au point que, pour l’historien de l’EFA, dire que « l’École française est une création de l’Angleterre » ne relève pas tout à fait du paradoxe. Le « complot » athénien reçut l’appui en France du ministre de l’Instruction Publique, de Salvandy, gagné au philhellénisme, et jouit du soutien des milieux intellectuels : Sainte-Beuve, dès 1841, formula l’idée d’un établissement français en Grèce et, en 1845, l’Académie des Beaux-Arts autorisa des pensionnaires de la Villa Médicis à Rome à gagner Athènes pour y étudier les antiquités.
 

Les missions de l’École française d’Athènes

Quelle forme donner au nouvel établissement et quels buts lui assigner ? L’ordonnance de fondation est assez vague et ne tranche pas entre les missions : « il est institué une École française de perfectionnement pour l’étude de la langue, de l’histoire et des antiquités grecques à Athènes. Cette École se compose d’élèves de l’École normale supérieure, reçus agrégés des classes d’humanités, d’histoire ou de philosophie. Elle est placée sous la direction d’un professeur de Faculté ou d’un membre de l’Institut … ». Les membres étaient nommés pour deux ans, une troisième année leur étant octroyée par décision spéciale. Ils pouvaient ouvrir, avec l’autorisation du roi de Grèce, des cours publics gratuits de langue française et de littératures française et latine. Ils conféraient le baccalauréat ès lettres aux élèves des écoles françaises et latines de l’Orient. Deux initiatives originales n’aboutiront que plus tard : une section des Beaux-Arts, prévue par un décret de 1847, ne reçut sa consécration qu’en 1859, et l’admission de membres belges, envisagée sérieusement par des discussions entre gouvernements, ne devint effective qu’en 1900 avec la création de la section étrangère.

Que fit à Athènes la première génération de jeunes Français ? « On monte à cheval ; on arrose ; on bêche un hectare de jardin par jour, et l’on a des moustaches d’un décimètre. On se montre ; on fait des visites ; on danse aux bals. On y est présenté à Coletti et l’on est fier de s’entretenir cinq minutes avec le vrai roi de la Grèce ». Fidèles à la tradition humaniste et romantique, les membres parcouraient Athènes les auteurs anciens à la main, voyageaient en poètes et s’extasiaient en retrouvant l’Antiquité dans la Grèce de l’époque. Cette première phalange d’Athéniens remplit, pendant deux ans, des fonctions d’enseignement, puis les abandonna. De science, il était bien peu question.

Quatre ans après l’ordonnance de fondation, la réforme de 1850 plaça l’EFA sous la tutelle de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et affirma la vocation scientifique de l’EFA : les membres durent rédiger des mémoires de recherche, envoyés à l’Académie qui contrôlait et suscitait des travaux, sur le modèle de ce qui se faisait pour les artistes à la Villa Médicis à Rome. C’est le système de contrôle qui est encore en vigueur aujourd’hui. Mais il fallut du temps pour que la nouvelle vocation s’imposât, les deux premiers directeurs n’étant pas favorables aux recherches érudites. C’est seulement dans les années 1870 que l’École entra définitivement dans l’ère scientifique.


Le bilan des trente premières années

Est-ce à dire que le bilan des trente premières années est entièrement négatif ? Loin de là. De fortes personnalités sont passées par l’École, mais leur carrière s’est développée, dans une large mesure, en dehors d’elle.

On citera pour mémoire le plus célèbre des « Athéniens », Edmond About, dont l’œuvre littéraire et satirique, La Grèce contemporaine en 1855 et Le roi des montagnes en 1856, servit à alimenter un courant peu favorable au jeune État grec. Mais il y eut aussi de vrais savants, comme Numa Pompilius Fustel de Coulanges, dont La cité antique (1864), rééditée jusqu’à nos jours, est un des livres fondateurs de la science historique française. Paul Vidal de La Blache, qui créa l’École française de géographie, est aussi passé par Athènes.

Et l’archéologie de terrain ? Les voyages, au mieux les explorations, furent plus développés que les fouilles, dans la tradition de l’Expédition de Morée. Les Français ont pourtant fouillé : la première entreprise, qui fit beaucoup de bruit en Grèce et en France, fut menée par Ernest Beulé au pied de l’Acropole. Il crut découvrir l’entrée classique de l’Acropole, qui se révéla être, en fait, une porte byzantine ; il tira de ses recherches une synthèse sur l’Acropole. On doit aussi mentionner la première campagne de Paul Foucart à Delphes, qu’il accomplit de sa propre initiative et à ses frais (!) : il mit au jour une nouvelle partie du grand mur polygonal, qui sert mur de soutènement à la terrasse du temple.

La mission en Macédoine de Léon Heuzey et Honoré Daumet fut commanditée en 1861 par Napoléon III, qui s’intéressait aux champs de bataille de César en Orient : menée en marge de l’École, mais par deux « Athéniens », elle révéla les antiquités d’une région peu explorée. Le Louvre, c’était encore dans l’air du temps, s’enrichit alors d’un certain nombre de trouvailles.
 

La section des Beaux-Arts et la section scientifique

La célébrité de cette section doit beaucoup à la qualité des dessins d’Honoré Daumet, membre de la section des Beaux-Arts de l’École. En effet, un décret de 1859 avait prévu une section scientifique et une section des Beaux-Arts. Si l’activité de la première fut réduite — elle se limite aux travaux du physicien Henri Gorceix à Santorin (1870) —, de nombreux architectes, venant de l’Académie de France à Rome, bénéficièrent des postes qui leur furent offerts dans la seconde.

La suppression de ces sections dans la réforme de 1874 ne représenta pas un progrès : lors du développement des grandes fouilles dans les décennies suivantes, le recrutement d’architectes allait être aléatoire. Rétrospectivement, on peut regretter aussi l’abandon d’une section scientifique : la collaboration avec les scientifiques (géologues, physiciens, naturalistes) est devenue une des nouvelles dimensions de l’archéologie contemporaine.


Création d’un institut de recherche

Si l’on a pu écrire que c’est à l’Angleterre que l’on doit la création de l’École française, on peut ajouter que c’est à l’Allemagne que l’on doit sa seconde naissance. La défaite de 1870 fut un choc pour toute l’intelligentsia française : « le relèvement des études scientifiques devint une préoccupation nationale » qui eut des conséquences directes sur la vie de l’EfA. La science allemande était non seulement en avance dans tous les domaines de l’érudition archéologique (corpus d’inscriptions, de vases, identification des œuvres de sculpture), mais elle se plaçait désormais en concurrente sur le sol grec : l’Institut allemand d’Athènes, section de l’Institut archéologique de Berlin, fut créé en 1873, la fouille d’Olympie ouvrit en 1875 et le premier tome d’une revue scientifique allemande consacrée à la Grèce parut dès 1876. La France avait non seulement perdu son monopole — l’EfA n’étant plus le seul établissement étranger en Grèce — mais elle se trouvait dans un état d’infériorité sur le plan scientifique : pas de politique de fouilles systématiques, un bulletin médiocre et irrégulier pour diffuser l’information, des hésitations sur les missions de l’EfA. Pour résister, il fallait d’abord améliorer la culture des élites.

La réforme de 1874 eut le mérite de la clarté : il ne subsistait plus qu’une seule section, celle des Lettres. L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres était confortée dans son pouvoir de tutelle, recevant les mémoires des membres et proposant deux noms au Ministère pour la désignation du Directeur. Les membres étaient au nombre de six, restaient trois ans et étaient recrutés à raison de deux par an. À quelques modifications près (nombre des membres et durée du séjour), c’est le système qui a fonctionné jusqu’à la publication de nouveaux statuts en 1985. En revanche, l’ambitieux programme du concours d’entrée, qui comportait des épreuves écrites et orales — dont une épreuve d’épigraphie latine et de langue grecque moderne — fut rapidement abandonné.

La création la plus originale fut l’institution d’une succursale romaine, décidée en 1873 : les membres devaient y séjourner un an, pour se former à leurs futurs travaux en Grèce ; mais ce stage de formation ne fut appliqué qu’à deux promotions et fut abandonné dès que l’École de Rome acquit son autonomie, en 1875. Il n’en resta que le traditionnel voyage en Italie, comme prélude des travaux athéniens, dont la coutume se perpétua, avec des interruptions, jusque dans les années 1980.

Si la réforme fut préparée par le deuxième directeur, Émile Burnouf, le renouveau s’incarne dans la personne d’Albert Dumont, sous-directeur à trente-deux ans de la succursale romaine et troisième directeur de l’EFA en 1875. Dumont inventa non seulement les structures d’un centre de recherche, mais il appliqua en trois ans un programme scientifique à larges vues.

Il créa un Institut de Correspondance hellénique pour concentrer l’information et établir des liens avec le milieu grec. Les communications et informations, présentées en grec et en français au cours des séances de cet Institut, furent publiées dans une revue annuelle, le Bulletin de Correspondance Hellénique, dont le premier tome parut en 1877. Une collection, la Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, fut lancée, en collaboration avec la jeune École de Rome, pour publier les travaux des membres.

Ces travaux, A. Dumont les conçut avec une belle ampleur de vue. Savant lui-même aux centres d’intérêt très diversifiés et pionnier en de nombreux domaines (de la préhistoire aux anses d’amphores timbrées, de la chronologie des archontes athéniens aux terres cuites), il dirigea les Athéniens vers tous les champs de l’hellénisme : il poussa les uns vers le mont Athos, les autres vers Constantinople où ils étudièrent la topographie byzantine ; il conçut une vaste enquête sur les dialectes grecs modernes, dont une première étude, sur Chypre, fut publiée en 1879. Aux antiquisants classiques, il imposa de rédiger des corpus, domaine dans lequel les Allemands étaient passés maîtres. Enfin, sous sa direction, la fouille de Délos reçut une impulsion décisive et les explorations en Asie Mineure furent reprises.

Lorsqu’il repartit en France au bout de trois ans, pour occuper un poste de recteur, puis celui de Directeur des Enseignements supérieurs, A. Dumont avait réellement transformé l’École en un institut de recherche. Il laissait derrière lui une œuvre pleine de promesses, qu’il appartenait à ses successeurs de réaliser. Certes, ils le firent, mais en abandonnant, dans une certaine mesure, l’ambitieux programme de Dumont, pour concentrer l’activité de l’École sur les études classiques.
 

L’époque des grandes fouilles

Il faut dire qu’avait sonné le temps des grandes fouilles, exigeantes en hommes et en moyens. Sous la pression de la concurrence, car les missions étrangères se multiplièrent en Grèce, s’établit une répartition des grands chantiers. La compétition fut parfois vive. Elle reflétait les oppositions entre nations à la recherche d’un prestige culturel qui servait leurs intérêts politiques : la médaille frappée pour la célébration du Cinquantenaire de l’EFA en 1898 ne portait-elle pas gravée au droit l’inscription « Pour la science, pour la patrie » ? Toutes les nations travaillant en Grèce auraient pu se prévaloir d’une pareille devise.

C’est sur ces chantiers, héritage des grandes fouilles de la fin du XIXe et du début du XXe s., que travaille encore aujourd’hui l’EFA, en ayant renouvelé ses méthodes et ses centres d’intérêt. Contentons-nous d’en dresser une liste :

  • Délos : des fouilles furent entreprises dès 1873 et se développèrent en plusieurs périodes. Les travaux furent particulièrement intensifs entre 1904 et 1914 grâce aux subsides mis à la disposition de l’École par le duc de Loubat.
  • Delphes : la « Grande Fouille » dura de 1892 à 1903. Le gouvernement français avait voté un subside exceptionnel pour le déménagement et la reconstruction du village de Kastri, qui occupait le site antique.
  • Argos : 1902-1913, fouilles en plusieurs points de la ville d’Argos par un membre hollandais de l’EFA et avec des ressources fournies par son gouvernement.
  • Thasos : début des fouilles en 1911.
  • Philippes : ouverture du chantier en 1914.
  • Malia : 1922, fouilles du palais minoen, en collaboration avec les Grecs.

Ces choix suivaient une double logique, politique et scientifique. D’un côté, la France manifestait sa présence dans des régions de l’hellénisme récemment acquises par la Grèce (Philippes, Thasos) ; d’autre part, elle suivait le développement de l’archéologie préhellénique en Crète (Malia). Au total, cette politique fut particulièrement judicieuse, puisque, de la préhistoire (Malia) à l’époque byzantine (Philippes), les grands chantiers de l’EFA couvraient à peu près tous les domaines de l’Antiquité. Les sanctuaires de Délos et Delphes ont joué un rôle de premier plan dans l’histoire de la Grèce. Trois sites urbains, Délos, Argos et Thasos, offraient un champ inépuisable aux études d’urbanisme. Thasos permettait d’étudier une colonie parienne en milieu thrace et Philippes une colonie romaine en Orient. Tous les problèmes essentiels de l’hellénisme pouvaient être posés. Les Français auraient eu tort de se plaindre du partage : s’ils avaient perdu Cnossos, de haute lutte, au profit des Anglais, ils disposaient avec Malia, comme l’ont montré les fouilles des années 60, d’une autre Cnossos, plus ancienne encore.

Les révélations de ces grandes fouilles furent, à tous les points de vue, capitales et il serait vain d’en dresser un bilan : des milliers d’inscriptions, des centaines d’œuvres d’art, des dizaines de bâtiments originaux. Notons seulement que les trouvailles de Delphes bouleversèrent nos connaissances de l’art grec et que le profit que l’on en tira dépassa largement le cercle des milieux scientifiques : Matisse, pour ne citer que lui, médita sur la statuaire archaïque, sur ces grands jeunes hommes nus aux formes simplifiées, les kouroi, qui furent découverts dans la grande fouille. L’art grec servit, encore une fois, à renouveler les canons de l’art contemporain. Cette frénésie de travaux n’alla pas sans problèmes : on fouillait trop et trop vite et les publications scientifiques furent plutôt lentes à venir. Seule peut-être Délos, dont l’équipe, bien organisée par M. Holleaux, réalisa un travail efficace de publications, échappe à ce reproche, qui pourrait d’ailleurs être étendu à presque toutes les entreprises de la période. Assumons le passé, car il demeure glorieux : le prestige qu’en retirèrent l’École et la Grèce fut à la hauteur des investissements.

Si l’œuvre de l’École française s’identifie largement dans le dernier tiers du siècle et jusqu’aux années 1920 avec l’ouverture de grands chantiers, les entreprises « annexes » ne furent pas négligées: entre 1878 et 1890, on ne compte pas moins de dix-huit chantiers de fouilles différents en Grèce et en Asie Mineure. Fouilles et expéditions se multiplièrent en Anatolie à la recherche de l’hellénisme hors de Grèce, jusqu’à la « catastrophe » de 1922.
 

L’ouverture internationale

C’est aussi dans le contexte de la rivalité entre nations qu’il faut replacer la création de la section étrangère de l’École d’Athènes en 1900 et celle de l’École primaire d’enseignement français, dite « École Giffard », du nom du généreux donateur qui en finança l’installation en 1903. Ces deux créations rejoignaient des préoccupations qui avaient été exprimées dès la création de l’École et qui revenaient à l’ordre du jour. La section étrangère, prévue pour des Belges dès 1846, était destinée à recevoir les pensionnaires des nations amies qui n’avaient pas de missions permanentes en Grèce : ces pensionnaires étaient rémunérés par leurs pays d’origine et avaient mêmes droits et mêmes devoirs que les membres français. Dès les premières années, l’École reçut un Hollandais et des Belges — qui s’illustrèrent à Argos, pour le premier, et à Ténos, pour les seconds, dans des fouilles financées par leurs gouvernements —, des Danois et des Suisses. Après la Première Guerre mondiale, le recrutement s’élargit au point que l’EFA ressemblait à une véritable « Société des Nations » : vinrent s’ajouter des Polonais, un Russe, des Suédois et un Tchèque (des négociations furent entreprises avec l’Albanie, la Roumanie et la Yougoslavie). C’est en tant que membres étrangers que les premières femmes, des Hollandaises, firent leur apparition à l’EfA en 1927. Ces membres étrangers participèrent activement aux travaux de l’École (deux Danois architectes furent attachés aux fouilles de Délos avant 1914) ou poursuivirent leurs propres recherches. La section étrangère a contribué au prestige international de l’EFA et a joué un rôle très actif dans la vie scientifique de l’institution.

Si la section étrangère est toujours vivante et irremplaçable, la « fondation Giffard » est devenue indépendante : l’EFA tournait ainsi une page de son histoire. La création d’une École primaire d’enseignement français, installée sur un terrain mitoyen de l’École, fut décidée en 1903. Il s’agissait de diffuser la langue française dans la société grecque, sous le contrôle de l’École d’Athènes ; le directeur organisait les sessions d’examen en Grèce même, mais aussi à Constantinople et à Smyrne. Cette base de la propagande française en Grèce acquit une certaine indépendance administrative en 1925, sous le nom d’Institut supérieur d’études françaises, mais un directeur autonome ne fut nommé qu’en 1938. En tout cas, avant la Première Guerre mondiale, appuyée sur ses deux nouveaux piliers et rayonnante par la multiplicité de ses travaux, l’EFA représentait une puissance en Grèce et hors de Grèce. Cette puissance faisait des jaloux : les critiques ne furent pas épargnées, sur le plan scientifique comme sur le plan politique. Citons, parce qu’elle a valeur générale, la campagne de presse de Chronos, organe de la ligue militaire, contre les Écoles étrangères en 1909 : le journal accusa le responsable grec de l’archéologie, P. Kavvadias, d’avoir étouffé toute activité archéologique grecque et d’avoir accordé aux étrangers les meilleures fouilles. Les Instituts étrangers, unis devant ces attaques, protestèrent par voie de presse.
 

L’École en guerre

La Première guerre mondiale interrompit les travaux proprement archéologiques de l’École : les « Athéniens » servirent en France ou sur le front d’Orient, comme soldats et comme interprètes, et payèrent un lourd tribut à l’effort de guerre. Ils fouillèrent aussi en Thrace et en Macédoine et participèrent au service archéologique de l’armée d’Orient, dont Gustave Fougères, le directeur, avait obtenu la création. À Athènes, ce dernier organisa tambour battant la propagande au profit de la France et de ses alliés. L’École dut fermer ses portes en décembre 1916 à la suite des attaques de l’armée royaliste contre les troupes françaises, favorables au gouvernement de Vénizélos : les Français furent évacués et l’École fut confiée au directeur de l’École américaine. À son retour, à la tête de la Ligue franco-hellénique, qui comptait 4.000 membres en 1918, le directeur organisa des conférences pour favoriser la mobilisation hellénique aux côtés des Alliés. Faisant le bilan des années de guerre, ce savant, transformé en poilu du front d’Orient, pouvait écrire que « la guerre de 1871 avait momentanément plongé l’École dans l’inertie de l’isolement. Celle de 1914-1919, en l’associant à ses péripéties, lui infusa de nouvelles énergies ».


Les conditions de la stabilité

La reprise, sous l’impulsion du nouveau directeur Charles Picard (1919-1925), fut effectivement brillante : on a déjà évoqué la multiplication des liens avec les nations étrangères qui envoyèrent des pensionnaires à l’École française et la fouille de Malia en 1922 ; il faudrait leur ajouter les tentatives pour reprendre pied en Asie Mineure. Mais plusieurs circonstances allaient, en fait, quelque peu brider cet élan : la fermeture des sites en Turquie après les événements de 1922, la règle des trois chantiers imposée par le gouvernement grec en 1924 et les difficultés financières. Si l’on ajoute à cela le début d’indépendance de la « fondation Giffard » et le décret de 1928, qui désigne officiellement l’établissement de la rue Didotou comme « École française d’Archéologie d’Athènes », on constate qu’un tournant est pris : l’École passe de la période des recherches foisonnantes, servant une certaine idée de la présence française en Grèce, à celle de la gestion méthodique des grands chantiers, au service de la science archéologique.

La règle des trois chantiers va orienter toute la politique scientifique de l’EFA. Débordé par des problèmes de contrôle des fouilles, de conservation des monuments et des objets, le gouvernement grec décida que les missions étrangères ne pourraient demander l’ouverture de plus de trois chantiers par an. Par ailleurs, un site abandonné depuis plus de quinze ans ne pouvait plus être revendiqué. Aucune nouvelle fouille n’était autorisée, sauf pour ceux qui ne travaillaient que sur deux sites. Le directeur eut beau protester, la règle fut respectée avec, semble-t-il, une certaine souplesse.

Par ailleurs, l’École, dès 1923, rencontrait d’assez graves problèmes financiers : le directeur remarquait amèrement dans son rapport à l’Académie que les Écoles étrangères, même l’École allemande, grâce à une fondation privée, disposaient de plus de moyens que l’EFA. Avec des variations dont on retrouve l’écho dans les rapports annuels à l’Académie, les crises financières de l’entre-deux-guerres n’épargnèrent pas l’École : ainsi, les dévaluations du franc la privèrent, en 1936, de la moitié de ses moyens. Doit-on mettre aussi au compte de la crise mondiale la diminution du nombre des membres étrangers ? Ils ne sont que trois en 1930 et il n’y en plus qu’un seul en 1935.

Cette période de turbulence n’a pas empêché un travail scientifique régulier : publications et fouilles avancèrent bon train. Du côté des fouilles, si les grandes entreprises d’avant-guerre (Délos et Delphes) ne sont pas négligées, c’est surtout le moment où l’on dégage Malia, Philippes et Thasos. Quelques entreprises nouvelles voient le jour, dont la plus importante est l’ouverture, en 1941, du chantier de Gortys en Arcadie, célèbre pour son sanctuaire d’Asclépios ; mais l’École s’intéresse aussi à Olonte, en Crète, et au port de Delphes, Kirrha. D’importants travaux de restauration sont menés à Delphes (temple, tholos de la Marmaria) et, en collaboration avec les Américains, à Amphipolis, où l’on remonte le grand lion.

La vitalité d’un centre de recherche se mesure essentiellement à ses publications. Au moment où elle célèbre son Centenaire, en 1947, l’EFA peut présenter un bilan non négligeable. Le Bulletin de Correspondance hellénique avec sa Chronique des fouilles, qui couvre la Grèce et une partie de l’Asie Mineure, et n’a pas d’équivalent ailleurs, a paru régulièrement depuis 1922, à peine gêné par la Seconde Guerre mondiale. Les collections destinées aux publications des sites se sont notablement enrichies en cinquante ans :

  • l’Exploration Archéologique de Délos compte 19 volumes, auxquels il faut ajouter le Corpus des inscriptions à peu près complet.
  • dans les Fouilles de Delphes ont été publiés 17 fascicules.
  • dans les Études Crétoises, lancées en 1928, le neuvième titre paraît en 1945.
  • la série des Études Thasiennes est inaugurée avec un premier volume publié en 1944.

Des synthèses sur des types de matériaux ou sur l’histoire de Delphes, de Délos ou de Philippes ont paru dans la Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome (dans cette collection, les « Athéniens » ont signé 85 ouvrages entre 1896 et 1945, qui n’intéressent pas tous des chantiers de l’EFA, mais qui sont des contributions variées à la connaissance de l’hellénisme). Les membres étrangers ont fait paraître 6 volumes dans les Travaux et Mémoires. Les lacunes étant aussi importantes que l’œuvre accomplie, on comprend quelle devait être l’une des tâches essentielles de l’École dans les cinquante années à venir.
 

Années de guerre et d’après-guerre

La vie de l’École fut perturbée par les années de guerre et par les luttes qui se prolongèrent entre Grecs jusqu’en 1949 : mobilisation et démobilisation des « Athéniens », suspension du recrutement de 1939 à 1941, puis à nouveau en 1944, impossibilité d’accéder aux chantiers par voie de mer et insécurité des routes terrestres. L’École continua pourtant à fonctionner et à travailler. Lorsqu’un nouveau directeur fut désigné en 1950, il trouva néanmoins une situation quelque peu dégradée, dont il fait état dans un rapport au Ministère : les bâtiments sont délabrés, l’École ressemble à un caravansérail où se sont entassées les familles des membres et du personnel, la bibliothèque est saturée, le personnel n’est guère discipliné. Georges Daux remet de l’ordre dans la place et mène pendant dix-neuf ans une politique d’adaptation de l’École aux besoins d’une archéologie moderne. Ces besoins étaient triples : développer les infrastructures, engager du personnel technique, adapter les travaux de l’École aux exigences nouvelles de l’archéologie. S’il ne rencontra pas que des succès dans cette politique d’aggiornamento, se heurtant notamment à des obstacles financiers, il ne ménagea pas ses efforts. Ses successeurs, plus heureux et bénéficiant d’une meilleure conjoncture, ont réalisé une partie de ses projets.


L’adaptation de l’École aux besoins d’une archéologie moderne

« Notre établissement fonctionne comme il y a 100 ans », écrivait G. Daux en 1959 : les bâtiments n’avaient pas évolué, le personnel technique était réduit – ni bibliothécaire, ni photographe, ni architecte (ceux que l’on recrute sont payés sur le crédit de matériel), seul le personnel de service étant en nombre satisfaisant, sinon pléthorique. Ces lacunes purent être plus ou moins rapidement comblées : un poste de bibliothécaire, en 1962, un de sous-bibliothécaire, en 1966, furent accordés à l’École. Il fallut plus de temps pour gagner le poste d’architecte et celui de photographe, obtenus par Pierre Amandry, peu après sa prise de fonction, en 1972. La conjoncture économique favorable des « trente glorieuses » et la politique de soutien actif à la recherche, à partir de 1981, permirent d’engager du personnel technique et de développer tous les services : archives, bureau de dessin (architectes et dessinateurs), photothèque, planothèque, restauration. Même si tous les besoins ne furent pas encore satisfaits, l’équipe réunie à l’EFA correspondait aux exigences d’un institut moderne de recherche. Organiser les services techniques supposait qu’on les logeât. Pour ce faire, G. Daux obtint des crédits pour construire, en 1962, un nouveau bâtiment. En revanche, il ne réussit pas, et son successeur non plus, à intéresser les pouvoirs publics à la rénovation de la bibliothèque : une extension en sous-sol ne fut réalisée par Olivier Picard qu’en 1987-1989, mais, malgré le gain que l’on en a retiré, l’aménagement de la bibliothèque et la réorganisation fonctionnelle de l’EFA restaient toujours d’actualité. L’École avait quelque peine à se développer dans des locaux saturés et, pour la plupart, plus que centenaires.
 

Les programmes scientifiques : traditions et nouveautés

En 1950, l’EFA n’avait pas été touchée par les développements de l’archéologie qui avait, depuis vingt ans, gagné de nouveaux domaines et transformé ses méthodes. Pourtant, signe éphémère des temps nouveaux, des fouilles sous-marines, utilisant le scaphandre Cousteau-Gagnan, furent menées sous l’égide de l’École en 1950 : les résultats ne furent guère concluants et il fallut attendre un peu plus de trente ans pour que l’EFA s’intéresse à nouveau au domaine de l’archéologie subaquatique.

Le retard le plus important concernait les méthodes de fouilles, qui n’avaient pas évolué depuis cent ans, alors que l’Anglais Wheeler, dans les années trente, avait conçu une méthode stratigraphique rigoureuse pour l’exploration des sites archéologiques et l’enregistrement des données. Ce retard était dû aux modes de formation des « Athéniens », recrutés sur la base d’un concours qui privilégiait la connaissance du grec ancien et de l’histoire de l’art antique. La fouille s’apprenait sur le terrain, s’opérait avec beaucoup d’ouvriers et peu d’archéologues et tenait plus du déblaiement que de l’entreprise scientifique. Les méthodes nouvelles furent introduites par P. Courbin sur le chantier d’Argos : « la méthode employée cette année s’est inspirée étroitement des principes énoncés par Sir Mortimer Wheeler », écrivait-il en 1956. La diffusion des nouvelles techniques sur tous les chantiers de l’École fut lente et difficile, mais la « modernité » finit par l’emporter.

Le chantier d’Argos, réouvert en 1952, devint ainsi le chantier-pilote de l’École pendant quarante ans. C’est par là que les nouvelles générations d’Athéniens passèrent, à partir des années soixante, pour apprendre à fouiller. Les centres d’intérêt s’élargirent aux époques les plus anciennes, à Argos même, mais aussi ailleurs : ainsi fut reprise une ancienne fouille de l’École, près de Philippes, sur le tell de Dikili Tash, en Macédoine, où, de 1961 à 1975, puis, à partir de 1986, furent menées en collaboration avec la Société archéologique d’Athènes des fouilles dans des niveaux du Néolithique Moyen et Récent.

À Malia, une nouvelle impulsion aux recherches fut donnée par l’ouverture en 1966 du « quartier Mu », un établissement de l’âge des premiers palais, qui peut, par la qualité des trouvailles, passer à juste titre pour une nouvelle Cnossos protopalatiale (les fouilles se sont prolongées jusqu’en 1991 et ont couvert 4.000 m2). Si, scientifiquement, les entreprises sur des chantiers pré- ou protohistoriques furent les plus rentables, introduisant à l’École de nouvelles méthodes et de nouvelles habitudes de travail en équipe, les domaines traditionnels ne furent pas négligés : achèvement de la fouille de Gortys (1951-1955), fouilles des maisons du quartier Nord de Délos (1963-1968), fouilles continues à Thasos, où l’on distinguera la mise au jour d’un quartier d’habitat classique à la porte du Silène (1971-1980). En dehors des grands chantiers traditionnels, quelques entreprises, limitées dans l’espace et dans le temps, virent également le jour : reprise de Latô en Crète (1967), fouille de la grotte de l’Antre corycien (1970), au-dessus de Delphes, fréquentée dès le Néolithique et vouée à l’époque historique au culte de Pan et des Nymphes, reprise de la fouille du sanctuaire de Poséidon et d’Amphitrite à Ténos (1973), dégagement de trois ensembles funéraires monumentaux dans la nécropole de Rhénée (1975).

Une grande entreprise nouvelle fut lancée en 1975 : à la demande des autorités locales, après la tragique invasion de Chypre par les troupes turques en 1974, P. Amandry accepta d’ouvrir à Amathonte un chantier, co-financé par la commission des fouilles des Affaires Étrangères. Cette ouverture sur l’hellénisme oriental renouait avec une tradition, en relançant l’École au-delà des frontières de la Grèce.
 

Nouvelles structures et nouvelles missions

La révision des statuts de l’École fut à l’ordre du jour dès les années 1970, un établissement public doté de l’autonomie financière ne pouvant se passer, à tout le moins, d’un Conseil d’administration. Une « commission de réflexion » fut réunie à Paris en 1975, les anciens membres furent consultés, une mission ministérielle vint à Athènes et rédigea un rapport, qui ne fut pas suivi d’effets.

La « crise » de 1980-1981 toucha l’ensemble des établissements à l’étranger que le ministre des Universités, Madame A. Saunier-Seïté, avait décidé de réformer de façon radicale : l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres perdait presque toutes ses prérogatives, le Ministère des Affaires Étrangères était consulté pour la nomination du directeur et l’ambassadeur de France présidait un Conseil quasiment omnipotent, y compris en matière scientifique. Les membres étaient soumis à l’obligation de donner « un enseignement de haut niveau ouvert aux ressortissants du pays ». Placer l’EFA sous le contrôle des Affaires Étrangères et lui donner une fonction enseignante, c’était quasiment revenir à 1846 ! Seul élément un peu progressiste du projet : l’élargissement du recrutement à toutes les disciplines. – Des protestations s’élevèrent de toute part (Académie, milieux académiques et scientifiques d’Italie, de Grèce, d’Égypte, de Belgique, de Suisse) et le projet fut enterré.

La réforme de 1985 fut préparée avec plus de concertation entre les différentes parties ; ménageant suffisamment la tradition et introduisant une dose satisfaisante de nouveautés, elle bénéficia d’un large consensus. – L’École est désormais dotée d’un Conseil d’administration, qui vote notamment le budget, et d’un Conseil scientifique, qui assiste le directeur dans ses choix. L’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres est assez largement représentée dans les nouveaux conseils (6 sièges, sur les 20 que comporte le Conseil scientifique, lui sont réservés), elle garde son droit de contrôle sur les mémoires scientifiques des membres et son droit de présentation pour le poste de directeur. Le Centre National de la Recherche Scientifique, le Conseil Supérieur des Universités, la Direction des Musées de France, le Conseil Supérieur de la Recherche Archéologique y sont représentés. Les membres de l’EfA délèguent un représentant aux deux conseils et le personnel est représenté au conseil d’administration.

Ces transformations, allant dans le sens d’une participation de toutes les instances compétentes aux travaux de l’École, donnaient satisfaction aux revendications qui s’étaient exprimées depuis quinze ans (la Société des professeurs d’histoire ancienne, celle des professeurs d’histoire de l’art et archéologie, certains membres ou anciens membres de l’EfA avaient exprimé un tel souci). Elles établissent des liens utiles entre l’École et les grands organismes universitaires, scientifiques et culturels métropolitains. Mais ces nouveaux statuts ne se réduisent pas à une simple réforme administrative ; ils élargissent aussi la mission de l’École, qui désormais « a également vocation à s’ouvrir aux divers aspects de la civilisation du monde hellénique ancien, médiéval, moderne et contemporain ». – En 1990, la création d’un neuvième poste de membre, destiné à un spécialiste de la Grèce moderne et contemporaine, donne à l’École la possibilité de réaliser cette nouvelle mission et de renouer avec les études néo-helléniques, qu’elle avait un peu trop négligées. De même, les statuts de 1985 avaient créé une catégorie de boursiers ; dès 1991, un budget spécial est réservé à des doctorants dont le travail de recherche exige un séjour en Grèce. – Élargissant ses missions, lui donnant les moyens de jouer un rôle de pivot pour l’ensemble des recherches concernant la Grèce en France, les statuts de 1985 marquent bien un tournant dans l’histoire de l’École.

Seul le mode de recrutement des membres n’avait pas été touché par la réforme de 1985, malgré les critiques que l’on pouvait entendre dans le milieu athénien et en dehors de lui : un concours qui privilégiait les littéraires, qui était prisonnier d’une culture artistique et qui n’enregistrait pas l’évolution récente de l’archéologie. Aucun texte ne régissait le concours, soumis à la coutume : ainsi, en 1929, le président du jury de recrutement et qui l’était depuis plusieurs années, Edmond Pottier, écrit au directeur de l’Enseignement supérieur pour lui demander le règlement : « Il a été plusieurs fois remanié, et je ne le connais que par des extraits isolés ». Une commission ministérielle, présidée par J. Marcadé, fut désignée en 1993 pour étudier le problème. À partir de ses conclusions, le directeur rédigea un projet de texte, qui, après amendements, fut voté par le Conseil scientifique en 1995. Ce texte enregistre pour les antiquisants classiques, les byzantinistes et les modernistes, l’existence d’épreuves spécifiques, ce qui correspondait déjà à la pratique et, fait nouveau, en crée pour les préhistoriens. Ces derniers sont désormais dispensés des épreuves obligatoires de grec ancien. Le nouveau règlement introduit pour tous une interrogation sur les techniques et méthodes de l’archéologie.
 

Vers l’École de demain, les années 1980-1990

La direction d’Olivier Picard (1981-1992) aura été marquée par trois inflexions importantes dans la vie de l’École : l’informatisation des services et leur développement, de nouveaux programmes sur les anciens chantiers, correspondant aux intérêts de l’archéologie moderne, le soutien donné à de nouvelles entreprises en dehors de la Grèce.

Prévu par les statuts de 1985, le poste d’Adjoint aux publications fut créé en 1989. Tous les services furent non seulement renforcés par un personnel compétent, mais informatisés, de la bibliothèque aux archives en passant par la gestion de l’hôtellerie. Cet effort d’informatisation toucha aussi le matériel archéologique : création de bases de données sur les monnaies et sur les timbres amphoriques, enregistrement du matériel dans les musées (Delphes, Délos). Il s’étend maintenant au relevé de fouilles et à la restitution des bâtiments.

Si l’EFA a pris le tournant de l’informatisation au bon moment, elle a su rattraper aussi un certain retard dans les domaines de pointe de l’archéologie. L’archéologie scientifique subaquatique a fait une apparition récente en Grèce : l’EFA s’y est consacrée en fouillant le port de Thasos, en collaboration avec l’Éphorie grecque des Antiquités sous-marines, et celui d’Amathonte. De même, les recherches systématiques sur l’organisation des territoires antiques, à base de prospection au sol, d’interprétation de photographies aériennes ou, plus récemment, d’interprétation d’images satellitaires, sont bien développées en France : c’est dans les années 80 que furent lancées les prospections systématiques de Thasos, avec l’Éphorie de Kavala, les recherches sur la chôra de Délos, et la prospection du territoire de Malia. L’archéologie d’aujourd’hui fouille moins et prospecte plus : elle est moins prisonnière d’un site, plus soucieuse de cartes archéologiques et des rapports entre l’homme et le milieu. Diversification des problématiques, mais aussi diversification des centres d’intérêt. Repliée sur le territoire grec entre 1923 et 1975, l’EFA, surtout à partir de 1989, et profitant du changement des conditions à l’Est, a multiplié son soutien à des opérations hors de la Grèce : si les fouilles en Ukraine ont été un relatif échec, l’implantation en Albanie a réussi avec des programmes qui couvrent toutes les périodes, depuis la préhistoire jusqu’aux époques moderne et contemporaine. Si on lui en donne les moyens, l’EfA peut développer son rôle de centre international de recherche : elle dispose des infrastructures nécessaires, d’un personnel compétent et elle a su montrer qu’elle était présente dans tous les domaines de l’archéologie contemporaine.


 Bibliographie sur l’histoire de l’École française d’Athènes:

  • « Le cinquantenaire de l’École française d’Athènes », Bulletin de correspondance hellénique, supplément, volume 22, 1898.
  • « Le centenaire de l’École française d´Athènes », Bulletin de correspondance hellénique, supplément, volume 71, 1948.
  • « Cent cinquantenaire, 1846-1996, École française d´Athènes », Bulletin de correspondance hellénique, numéro spécial, volume 120, livraison 1, 1996.
  • Étienne (Roland)… [et al.], L’Espace grec : cent cinquante ans de fouilles de l’École française d’Athènes, Paris, Fayard, 1996.
  • Radet (Georges), L’histoire et l’œuvre de l’École française d’Athènes, Paris, 1901.
  • Valenti (Catherine), Les membres de l’École française d’Athènes : étude d’une élite universitaire, 1846-1970, mémoire de DEA, université de Provence Aix-Marseille I, 1994.
  • Valenti (Catherine), L’École française d’Athènes (1846-1981) : histoire d’une grande institution universitaire, thèse de doctorat en histoire, université de Provence Aix-Marseille I, 2000.
  • Valenti (Catherine), L’École française d’Athènes, Paris, Belin, 2006.

les BCH sont consultables en ligne sur le site de Persée, et tous les ouvrages sont disponibles à la bibliothèque de l’EFA.