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Le fleuve Hèbre (appelé en grec moderne Evros, en bulgare Maritsa et en turc Meriç), le plus long de la péninsule balkanique, prend sa source en Bulgarie avant de servir de frontière entre la Grèce et la Turquie. Ses affluents drainent de larges espaces, des flancs des Rila, des Rhodopes et des Balkans, jusqu’aux régions proches de la mer de Marmara et de la mer Noire. D’ailleurs, depuis l’Antiquité, ce bassin a été reconnu comme étant le plus important axe de circulation et d’habitats de la Thrace orientale. Jusqu’au XIXe siècle, les grands navires de l’Égée ont pu remonter le cours inférieur de l’Hèbre jusqu’à Hadrianopolis (moderne Edirne), en passant devant Ainos (moderne Enez), la ville du dieu Hermès, qui devait sa richesse au contrôle de l’embouchure du fleuve. Pour le poète grec Alcée, contemporain des premiers colons éoliens à Ainos, Hébros était la plus belle des rivières. Sept siècles plus tard, les Romains qui ont fondé et refondé les villes de Traianopolis, Hadrianopolis, Plotinopolis, Philippopolis-Trimontium, Augusta Traiana-Beroe on fait d’Hébros le dieu-fleuve le plus représenté sur des monnaies, après le Nil.
Pourtant, l’histoire, l’évolution environnementale et les effets de la présence humaine sur le fleuve restent très peu connus. Nous n’avons pas d’inventaire du patrimoine archéologique, ni de synthèse historique complète sur aucune des communautés qui ont habité le bassin inférieur de l’Hèbre depuis le néolithique. Pour une vue d’ensemble, nous devons remonter aux voyageurs, antiquaires et archéologues, comme le Comte de Choiseul-Gouffier, consul français à Constantinople entre 1784-1786, ou comme Albert Dumont, qui a ouvert la série des voyages épigraphiques français au Nord de l’Égée lorsqu’il était membre de l’EFA, en 1868. Le dernier érudit qui a pu documenter les deux rives du fleuve Hébros a été le byzantiniste grec Georgios D. Lambakis, au début du XXe siècle, avant que le patrimoine antique et byzantin ne fût éparpillé entre les différents pays (Lapourtas et al. 1999).
Après la fin de l’Empire Ottoman, l’échange de populations et la fixation des frontières nationales modernes, cette zone est devenue une périphérie à la fois pour la Grèce, la Turquie et la Bulgarie. Ainsi, les identifications proposées par Georgios Bakalakis pour les points de passage de l’Hèbre inférieur sur le rivage grec (1958, 1961, 1965) ainsi que les segments de la Via Egnatia découverts depuis (Tsatsopoulou-Kaloudi 2015) n’ont jamais pu être directement reliées aux traces archéologiques révélées du côté turc par Sait Başaran (1999, 2011 ; cf. Yeşil et al. 2017). Les corpora d’inscriptions (Loukopoulou et al. 2005) et de reliefs (Andrianou 2017) réalisés pour la Grèce s’arrêtent malheureusement à une frontière qui n’existait pas dans l’Antiquité. De l’autre côté, les recherches géophysiques et sismiques entamées en Turquie (Alpar 2001) n’ont pu être prolongées en Grèce. Même la Tabula Imperii Byzantini – seul projet de géographie historique couvrant les deux rivages de l’Hèbre – a dû diviser ses volumes et ses cartes entre la Grèce (Soustal 1991) et la Turquie (Külzer 2008). De fait, à l’exception des recherches géophysiques et géomorphologiques initiées par des équipes allemandes en 2012 en Turquie (Brückner et al. 2015 ; Dan et al. 2019 et 2020 ; Schmidts et al. 2020), il n’y a jamais eu d’étude géo-bio-archéologique sur le bassin hydrographique de l’Hèbre, et donc aucune approche des sites antiques et médiévaux en lien les uns avec les autres et avec leur environnement. Les travaux entamés par Chrysa Karadima (2022) sur le site de Saraia, désormais identifié avec Doriskos, peuvent marquer un nouveau départ dans l’exploration géoarchéologique internationale des Balkans, au-delà de la mer Égée.


Bibliographie
Ouvrages de référence :

  • Alpar, B., 2001: « Plio-Quaternary History of the Turkish Coastal Zone of the Enez-Evros Delta: NE Aegean Sea », Mediterranean Marine Science 2,2: 95-118.
  • Andrianou, D., 2017: Memories in Stone. Figured Grave Reliefs from Aegean Thrace. Athens.
  • Bakalakis, G., 1958 (Μπακαλάκη, Γ.): Προανασκαφικές έρευνες στη Θράκη, Θεσσαλονίκη.
  • Bakalakis, G., 1961 (Μπακαλάκη, Γ.): ‘Αρχαιολογικές έρευνες στή Θράκη, 1959-1960, Θεσσαλονίκη.
  • Bakalakis, G., 1965: « Du rayonnement des civilisations grecque et romaine dans la basse vallée de l’Hébros » in Actes du VIIIe congrès d’archéologie classique de Paris (1963), Paris: 283-291.
  • Başaran, S., 1999: « Zum Straßennetz um Ainos », in Scherrer, P., Täuber, H., Thür, H. (eds.), Steine und Wege. Festschrift für Dieter Knibbe zum 65. Geburtstag, Wien: 343-348.
  • Başaran, S., 2011: Enez (Ainos), Istanbul.
  • Brückner, H., Schmidts, Th., Bücherl, H., Pint, A., Seeliger, M., 2015: « Die Häfen und ufernahen Befestigungen von Ainos – eine Zwischenbilanz », in Schmidts, Th., Vučetić, M.M. (eds.), Häfen im 1. Millennium AD: bauliche Konzepte, herrschaftliche und religiöse Einflüsse; Plenartreffen im Rahmen des DFGSchwerpunktprogramms 1630 “Häfen von der Römischen Kaiserzeit bis zum Mittelalter” im Römisch-Germanischen Zentralmuseum Mainz, 13.-15. Januar 2014, Mainz: 53-76.
  • Comte de Choiseul-Gouffier, M.-G.-F.-A., 1809: Voyage pittoresque de la Grèce II, Paris.
  • Dan, A., Başaran, S., Brückner, H., Erkul, E., Pint, A., Rabbel, W., Shumilovskikh, L., Wilken, D., Wunderlich, T., 2019: « Ainos in Thrace : Research Perspectives in Historical Geography and Geoarchaeology », Anatolia Antiqua 27 : 127-144.
  • Dan, A., Başaran, S., Brückner, H., Erkul, E., Pint, A., Rabbel, W., Shumilovskikh, L., Wilken, D., Wunderlich, T., 2020: « Nouvelles recherches historiques et géoarchéologiques à Ainos : pour une première restitution graphique de la ville et du territoire antique », dans « Bulletin de la société française d’archéologie classique (XLX, 2018-2019) », Revue archéologique 69, 1/2020 : 141-191 (p. 152-162).
  • Dumont, A., 1892: « Exposé sommaire des principaux résultats d’un voyage archéologique accompli en Thrace en 1868 » in Homolle, Th. (ed.). Albert Dumont, Mélanges d’archéologie et d’épigraphie, Paris.
  • Karadima, Ch. 2022: « Doriskos. “Aἰγιαλός καì πεδίον μέγα” », in Kefalidou, E. (ed.), The Riverlands of Aegean Thrace: Production, Consumption and Exploitation of the Natural and Cultural Landscapes | River Valleys and Regional Economies: Panel 2.4 | Panel 2.7, Heidelberg (Archaeology and Economy in the Ancient World – Proceedings of the 19th International Congress of Classical Archaeology, Cologne/Bonn 2018, Vol. 6): 33-38.
  • Külzer, A., 2008: Tabula Imperii Byzantini 12. Ostthrakien (Eurōpē), Wien.
  • Lapourtas, A. et al. 1999: Ημερολόγιο 2000, Γεωργίου Λαμπάκη περιηγήσεις. Calendar 2000, Journeys of Georgios Lambakis, Athens.
  • Loukopoulou, L. et al. 2005: Inscriptiones antiquae partis Thraciae quae ad ora maris Aegaei sita est (praefecturae Wanthes, Rhodopes et Hebri), Athenis (Λ. Δ. Λουκοπούλου, A. Ζουρνατζή, Μ.-Γ. Παρισάκη, Σ. Ψωμά, Επιγραφές της Θράκης του Αιγαίου: μεταξύ των ποταμών Νέστου και Έβρου (Νομοί Ξάνθης, Ροδόπης και Έβρου)).
  • Schmidts, T., Başaran, S., Bolten, A., Brückner, H., Bücherl, H., Cramer, A., Dan, A., Dennert, M., Erkul, E., Heinz, G., Koçak, M., Pint, A., Seeliger, M., Triantafillidis, I., Wilken, D. und Wunderlich, T., 2021: « Die thrakische Hafenstadt Ainos: Ergebnisse eines interdisziplinären Forschungsprojektes », Archäologischer Anzeiger, 2: 1-133. doi: 10.34780/aa.v0i2.1029.
  • Soustal, P., 1991: Tabula Imperii Byzantini 6. Thrakien (Thrakē, Rodopē und Haimimontos), Wien.
  • Tsatsopoulou-Kaloudi, P., 2015: Via Egnatia. History and the Route through Thrace, Athens.
  • Yeşil, A., Uzun, A., Başaran, S., Aksu, A., 2017: Enez. Its Natural, Cultural, and Touristic Beauties, Istanbul.

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