Avec les Juifs et les Arméniens, les Grecs constituent l’une des trois diasporas dites « classiques » de la période moderne : implantés sur l’ensemble du pourtour méditerranéen voire au-delà, ils investissent en particulier la plupart des grandes villes portuaires d’Europe méridionale, où ils s’adonnent au grand négoce et à la navigation comme au petit commerce et à l’artisanat. Comment cette présence s’organise-t-elle au quotidien ? Comment investit-elle l’espace urbain, quels sont ses modes d’inscription sociale et quelles identités (sociales, ethniques et confessionnelles) sécrète-t-elle ? Cette vaste enquête est ici envisagée dans une dimension comparatiste, à partir de trois terrains – Venise, Livourne et Marseille – à la fois distincts et étroitement connectés, au cours du demi-siècle précédant la guerre d’indépendance grecque (1821-1830) et la naissance de l’État néohellénique. À rebours des lectures traditionnellement homogénéisantes et inclusives des groupes étrangers dans la ville moderne, cet ouvrage s’attache à mettre en évidence le caractère complexe et souvent conflictuel des différentes stratégies d’affirmation et de négociation du fait communautaire grec en diaspora. Véritable laboratoire de définitions concurrentes de la « grécité », l’expérience communautaire grecque au tournant des XVIIIe et XIXe siècles constitue ainsi le creuset d’un complexe processus de formation identitaire à l’aube de l’ère des nationalismes.
Table des matières
Remerciements
Note sur la transcription et la translittération des noms grecs
Abréviations et acronymes
Introduction
Venise, Livourne, Marseille et les autres
Communauté d’expérience et expérience de la communauté
Pistes de recherche
Première partie
PRESENCE
Chapitre 1 – « Qui est Grec ? »
Des étrangers
La « nation » : les ambiguïtés d’une catégorisation du social
« Grecs »
De l’importance du politique
Le marqueur ottoman
D’un empire à l’autre : les cas vénitien et ionien
Protection et naturalisation : des phénomènes marginaux
Grecs et orthodoxes, l’impossible équation
Orthodoxes et catholiques
La tentation uniate : Venise, XVIIIe siècle
Le catholicisme romain
Ce que compter veut dire
Comptages et estimations
« Grecs » et « Ottomans » : le cas marseillais, 1798-1799
L’enjeu politique
Populations urbaines et présences étrangères
Venise
Livourne
Marseille
Chapitre 2 – L’étranger pluriel : une lecture sociale
La « diaspora commerçante grecque », entre historiographie et idéologie
Des « communautés marchandes » ?
Le poids des marchands
Des marchands, pour quoi faire ?
À la recherche de la « classe moyenne »
« Gens de mer » et passants : aux frontières mouvantes du groupe
Une foule invisible ?
Le poids politique des populations flottantes
Vers un profil-type des colonies grecques ?
Le déséquilibre des sexes
L’importance de l’immigration
Deuxième partie
ESPACE
Chapitre 3 – Diaspora et cosmopolitisme : le transnational et le local
La diaspora, un espace transnational
Penser l’espace de la diaspora
La diaspora comme espace du négoce
Vers l’unification du monde commercial grec, 1 : naissance d’une domination
Vers l’unification du monde commercial grec, 2 : la famille, pilier des affaires
La diaspora grecque, un espace en mouvement
La correspondance de Koraïs
Livres, journaux et souscriptions
Recompositions spatiales : le cas de Venise
Cosmopolitisme : représentations et réalités d’un monde partagé
Tolérance et libéralisme : les imaginaires du cosmopolitisme
« Ex favor commerci » : tolérance religieuse et pragmatisme économique
Un cospomolitisme « institutionnel » ?
À la recherche des lieux du cosmopolitisme
Institutions commerciales et cosmopolitisme « marchand »
Sociabilités transnationales : l’exemple de la maçonnerie marseillaise
Une trajectoire maçonnique : Alexis Gierra
Limites et apories du cosmopolitisme
Nouvelles mentalités, nouvelle civilité
Conflits et rejets
Chapitre 4 – La ville et la place des étrangers : pratiques, territoires, identités
Des étrangers dans la ville
La place des étrangers : espace urbain et espace social
Un monde en mouvement ?
Un monde fragmenté
La communauté à l’épreuve de la ville
L’« illusion de la communauté »
Communauté et espace urbain
L’église, pôle organisateur de la présence étrangère ?
Un symbole identitaire fort
L’église, épicentre de la présence grecque ?
Venise
Livourne
Marseille
Espaces pluriels, territoires grecs
Enterrer ses morts : un problème durable
Venise
Livourne
Marseille
Sonner les cloches et processionner : marquage symbolique et visibilité publique
Sonner les cloches
Les processions funéraires
Cérémonies et pompe ecclésiastique
Troisième partie
COMMUNAUTE
Chapitre 5 – À la recherche de la communauté
Encadrer, gouverner, participer : configuration institutionnelle et donné sociale
Retour sur la donne institutionnelle
L’approche institutionnelle : réflexions préliminaires....
Comparer les formes
Gouverner la « nation », encadrer la communauté
La question des statuts
La Scuola de San Nicolò : grandeur et pesanteurs
Des structures allégées et centralisées : Livourne et Marseille
Institutions communautaires et stratification sociale
Le « corps de la nation » : critères et contours d’une notion mouvante
Les dignitaires de la « nation » : le cas vénitien
L’élite communautaire : Livourne et Marseille
La « nation » à l’œuvre : les mécanismes du lien communautaire
Le culte
Retour sur la question religieuse
Les desservants
Le financement
À l’école de la communauté : la question éducative
Maîtres, écoles, enseignement
L’éducation en diaspora : un enjeu identitaire
La charité
Les formes de la bienfaisance
Le cas vénitien, 1 : administrer la charité
Le cas vénitien, 2 : la charité au quotidien
Chapitre 6 – Le lien communautaire à l’épreuve
Conflits, discorde et dissidence : la communauté en péril ?
Scissiparité : aux limites de la communauté
Minorités en conflit
Identités en conflit(s) : le cas d’Isaïou (Marseille, 1798)
Des autorités contestées
Les mécanismes de l’exclusion
Ingérences
Le cas des prêtres
Des prêtres en dissidence
Le temporel et le spirituel
Des défis « extérieurs » ?
Les patriarches à la manoeuvre
L’entrisme russe
Appartenances et solidarités : une autre lecture du collectif
L’importance de la donne régionale
Le cas sciote
Le poids des origines
Un parcours : Alexandros Patrinos
La question ottomane
Un enjeu politique ?
La diplomatie ottomane : un réexamen
Un observatoire : Marseille
Profils consulaires : le cas livournais
Quatrième partie
RECOMPOSITION
Chapitre 7 – La guerre d’Indépendance comme mise à l’épreuve du fait communautaire
La guerre vue d’ailleurs et le philhellénisme
Bruits de guerre, rumeur du monde
Les circuits de l’information, 1 : les réseaux « officiels »
Les circuits de l’information, 2 : les réseaux informels
La question commerciale
« La guerre destructrice du commerce »
Une cause impopulaire ?
Comités, loges et sociétés : le « philhellénisme organisé »
Les comités philhellènes
Le philhellénisme maçonnique en question
Les Grecs, entre loges et sociétés secrètes
Des colonies dans la tourmente
L’ « union sacrée » ? Le soutien à la guerre
Assister et secourir
L’engagement armé… et ses limites
Hors de la communauté : le cas des quêteurs grecs
Le lien communautaire à l’épreuve de ses divisions
Des conflits récurrents
Grecs et Ottomans : le temps des ambiguïtés
Le moment capodistrien
Capodistrias et la diaspora grecque : une relation complexe.
Opposants et partisans de Capodistrias : une lecture intracommunautaire
Épilogue – « Qui est Grec ? »
Vers une reconfiguration du lien national
L’institution des consuls de Grèce
De la troisième phase des nominations consulaires à la seconde « affaire Tzitzinias »
Conclusion
Annexes
Sources et bibliographie
Index nominum
Index locorum
Table des illustrations et des graphiques
Liste des tableaux
Table des matières