Mission de terrain de l’EFA- Marmaria 2025

Delphes, la terrasse du sanctuaire d’Athéna Pronaia | 2022-2025

Un siècle après les dernières grandes fouilles menées sur la terrasse du sanctuaire d’Athéna Pronaia en contrebas du sanctuaire d’Apollon Pythien, l’École française d’Athènes, en partenariat avec l’UMR 8164-HALMA, réalise, de 2022 à 2026, un programme pluridisciplinaire de recherche sur le sanctuaire d’Athéna Pronaia et la terrasse sur laquelle il se déploie. Le projet participe d’une réflexion sur les aménagements du sanctuaire panhellénique d’Apollon Pythien et sur les abords de la ville cogestionnaire du grand sanctuaire dans l’Antiquité ; il fait suite à un état des lieux réalisé en 2017-2021, dont les premiers résultats sont publiés dans un rapport synthétique.

L’équipe de la campagne de fouilles, août 2024 / EFA – Université de Padoue, A. Mazzariol

L’équipe, sous la codirection de Sandrine Huber (Université de Lille, UMR 8164-HALMA) et Didier Laroche (École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg, UMR 7044-ARCHIMEDE), rassemble plusieurs partenaires : l’UMR 8164-HALMA – Histoire, Archéologie, Littérature des Mondes Anciens et la Maison européenne des Sciences de l’Homme et de la Société (MESHS) Lille Nord de France, avec la collaboration de l’UMR 8187-LOG – Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (Lille), la Faculté des Humanités de l’Université de Lille, la Fed 4129-IRePSE – Institut de Recherches Pluridisciplinaires en Sciences de l’Environnement (Lille), l’Institut de recherches en Architecture antique (IRAA, USR 3155, UPPA), l’UMR 7229-CCJ – Centre Camille Jullian (Aix-Marseille). En 2024, la mission a bénéficié d’une collaboration scientifique de l’équipe SYCURI – Synergic Strategies for Culture Heritage at Risk (World Class Research Infrastructures) de l’université de Padoue en partenariat avec le programme EnvArDA – Environnement et architecture à Delphes dans l’Antiquité » (dir. Amélie Perrier, Université d’Orléans, UMR 7065-IRAMAT – Institut de recherches sur les archéomatériaux).

Les trois campagnes de fouilles conduites en 2022 (1er août au 2 septembre), 2023 (24 juillet au 1er septembre) et 2024 (22 juillet au 30 août) ont porté sur divers espaces et monuments de la terrasse, d’ouest en est : l’angle nord-ouest de la cella de l’Édifice de calcaire (SD 43), la cella et le prodromos du Trésor ionique (généralement identifié comme Trésor des Massaliètes, SD 33), la péristasis nord du Temple en tuf d’Athéna (SD 29), le secteur des autels et le Grand Autel (SD 25). En parallèle, des missions d’études architecturales ont été réalisées, qui portent essentiellement sur l’Édifice de calcaire (SD 43) et la Tholos (SD 40), sur lesquelles nous reviendrons cet automne.

Vue zénithale de la terrasse du sanctuaire d’Athéna Pronaia, août 2024 / EFA – HALMA, Th. Nicq

Dans l’Édifice de calcaire, un sondage a été ouvert dans l’angle nord-ouest de la cella afin de documenter les vestiges de murs relevés lors des anciennes fouilles, en 1903 et en 1922, et de chercher des traces d’éventuelles occupations antérieures dans ce secteur de la terrasse. Les sédiments mis au jour en 2022 étaient perturbés par les anciennes fouilles et l’exploration archéologique n’a pas été poursuivie dans ce secteur très instable. Le monument fait l’objet d’études architecturales approfondies en vue de sa restitution et de la restauration de la base – ou exèdre – installée au fond de la cella, dont la fonction et la datation sont encore débattues.

Dans le Trésor ionique, la cella et le prodromos ont été vidés des blocs architectoniques qui y étaient entreposés depuis la Grande fouille, afin de les inventorier et de présenter au public un monument désencombré. L’intégralité de la cella a été fouillée afin de préciser la stratigraphie des niveaux de construction et l’agencement des assises de fondation du monument, avant d’atteindre le terrain naturel, qui présente un fort pendage nord-sud à cet endroit, avec des alignements de blocs chaotiques qui ont été stoppés dans leur éboulement par des amas d’argile. Nous disposons désormais d’une documentation solide pour comprendre l’implantation du monument dans le contexte géomorphologique de la terrasse. Les fouilles dans les couches liées aux fondations de la cella ont livré de nombreux fragments d’objets métalliques d’époque archaïque (dont une patte de lion en alliage cuivreux d’un trépied à baguettes en fer.

Trésor ionique (SD 33) en cours de fouilles, août 2023 / EFA, J. Devogelaere

Dans le Temple en tuf d’Athéna, les fouilles anciennes avaient montré que le monument avait subi un glissement de terrain dans l’Antiquité, qui a désolidarisé le stylobate de la galerie nord du temple ; la cause et la date de l’accident n’avaient pu être établies avec certitude. Des sondages stratigraphiques entre le stylobate de la péristasis, en place, et la fondation du mur nord de la cella, qui a glissé vers le sud et en altitude, a livré des résultats intéressants. Les anciennes fouilles s’étaient arrêtées à la surface de la fondation du mur nord de la cella. Notre exploration en profondeur à cet endroit a livré une dynamique d’effondrement en forme de cuvette : de haut en bas, les tuiles en terre cuite de la toiture, datables du VIe siècle avant J.-C. ; des éléments en bois carbonisé provenant de la charpente avec des clous en fer ; des fragments d’abaques de chapiteaux de la colonnade de la péristasis ; du mobilier fragmentaire (céramique, métal) écrasé sur un sol de mortier à surface décorée de galets qui reposait sur un radier de galets grossiers. La forme en V formée par la succession des couches d’effondrement suggère la création d’une crevasse orientée est-ouest à l’intérieur de la péristasis nord, dans laquelle ont chuté les éléments de sol, de colonnade, de charpente et de toiture lors du glissement de cette partie de l’édifice. La cause de l’événement reste à déterminer, d’origine sismique ou hydro-sédimentaire, ce que des études micro-morphologiques préciseront. La céramique recueillie au fond de la cuvette et écrasée sur le sol détruit date entre le Ier s. av. J.-C. et le IIe s. apr. J.-C., terminus post quem pour dater l’accident. L’analyse des charbons, prélevés selon un protocole précis, permettra de préciser le type de la charpente, les espèces de bois privilégiés et la datation.

Fouille de la cavité d’effondrement du sol et de la toiture de la péristasis nord du Temple en tuf d’Athéna (SD 29), septembre 2022 / EFA, S. Huber
Vue zénithale de la partie nord du Grand Autel SD 25 ; en haut du cliché, le parement sud du mur de soutènement SD 22 et, à mi-largeur du Grand Autel, le mur nouveau qui lui est lié / EFA, L. Fadin 2023

Le secteur des Autels, riche en puissances divines féminines (Athéna Erganè, Athéna Zôstéria, Hygie et Ilithyie) et délimité au nord par le mur de soutènement le plus ancien de la terrasse (SD 22) qui date du début du VIe siècle avant J.-C., à l’ouest par le Temple en tuf d’Athéna et à l’est par le Grand Autel (SD 25), était déjà en grande partie fouillé. Il a fait l’objet de nettoyages en 2022-2024 et deux sondages ont été ouverts contre le mur de soutènement SD 22, l’un entre le parement oriental de l’autel en l’honneur d’Hygie et le parement occidental du Grand Autel pour appréhender les niveaux de circulation entre les deux autels ; l’autre à l’aplomb de l’inscription dédicatoire en l’honneur Ilithyie pour retrouver les traces d’un éventuel autel associée à Ilithyie sur le modèle de celui d’Hygie.

Le comblement du Grand Autel a été partiellement fouillé au début du XXe siècle à partir du sud et nous avons concentré les investigations dans le tiers nord du monument, pour étudier son comblement et sa relation avec le mur de soutènement SD 22. Le remplissage de l’autel contenait des sédiments cendreux, compacts et rubéfiés, remplis de milliers d’esquilles d’ossements animaux (bovins et ovi-caprinés) en cours d’étude, qui présentent pour la plupart les traces caractéristiques d’une combustion sur l’autel. La fouille a mis au jour, à mi-largeur du Grand Autel, les vestiges d’un mur imposant, paré uniquement à l’ouest et lié à l’appareil de construction du mur de soutènement, dans lequel il s’enfonce ; il est perpendiculaire avec ce dernier alors que le Grand Autel ne l’est pas. L’élaboration des données apportera des précisions sur la fonction et la datation de ce nouveau mur.

Fouille du secteur des autels, août 2023 / EFA, S. Huber

La première mission de post-fouille en 2025 (9 au 20 juin) a permis à Sandrine Huber (Université de Lille, UMR 8164-HALMA), Jonathan Devogelaere (UMR 7229-CCJ) et Anastasia Paillard (Université de Lille, UMR 8164-HALMA) d’organiser les campagnes d’élaboration des données et d’étude des mobiliers archéologiques issus des anciennes fouilles et du programme en cours, en perspective de la publication finale des résultats. L’intégralité des données sont gérées sur une base de données Open Source Heurist.

Étude du mobilier métallique dans les réserves, juin 2025 / EFA, S. Huber

Ont participé aux différentes missions 2022-2024 : Francesca Adesso (Université de Padoue), Jean-François Bernard (UAR 3155-IRAA, UPPA), Jacopo Bonetto (Université de Padoue), Manon Bublot (architecte diplômée), Franck Chanier (Université de Lille, UMR 8187-LOG), Manuel Rodrigues De Oliveira (UMR 8167-Orient & Méditerranée), Jonathan Devogelaere (UMR 7299-CCJ), Lionel Fadin (École française d’Athènes), Emanuela Faresin (Université de Padoue), Fabien Graveleau (Université de Lille, UMR 8187-LOG), Anne Jacquemin (Université de Strasbourg, UMR 7044-ARCHIMEDE), Aristophanis Konstantatos (École française d’Athènes), Stéphane Lamouille (IRAA, USR 3155, UPPA), Angéliki Mandaliou (École française d’Athènes), Rodolphe Martinez (UMR 5140-ASM), Anne-Sophie Martz (UMR 5189-HISOMA), Alessandro Mazzariol (Université de Padoue), Thomas Nicq (Université de Lille, UMR 8164-HALMA), Tarek Oueslati (CNRS, UMR 8164-HALMA), Clémence Pagnoux (Muséum national d’Histoire naturelle, UMR 7209-AASPE), Anastasia Paillard (Université de Lille, UMR 8164-HALMA), Nikolaos Papailiou (Ingénieur génie civil), Véronique Picard (UAR 3155-IRAA, UPPA), Manon Sauvage-Cerisier (Université de Lille, UMR 8164-HALMA), Louise Watremez (Université de Lille, UMR 8187-LOG), Arturo Zara (Université de Padoue), ainsi que des étudiants en archéologie et en géomatique de différentes universités et écoles françaises.

Tout sur le programme…