Confins de la musique

Responsable et contact : Christophe Corbier (CNRS, IREMUS)

Institutions partenaires :

  • École française d’Athènes
  • Institut de recherche en musicologie (CNRS)
  • Université de Ioannina
  • Université Paris Nanterre
  • Centre des monuments nationaux

Le programme « Les Confins de la musique » a pour objectif d’étudier les pratiques musicales dans deux lieux emblématiques, qui ont inspiré de nombreux artistes depuis deux cents ans, d’Eugène Delacroix à Théo Angelopoulos : l’île de Chios et la ville de Florina. Bien que nettement séparées l’une de l’autre, Chios et Florina ont pour particularité d’être situées aux confins de l’État grec et d’avoir été marquées par des violences extrêmes, tant au XIXe siècle qu’au XXe siècle, qui ont eu des effets multiples sur leurs traditions musicales respectives jusqu’à nos jours. Pour étudier les pratiques musicales et leur inscription dans l’histoire de ces deux régions, nous choisirons donc une perspective à la fois historique et ethnomusicologique. Les recherches seront menées au moyen de missions de terrain, d’entretiens, d’enregistrements et d’un travail dans les archives. Il s’agira de faire entendre des voix oubliées et de donner la parole à des personnes qui en ont été souvent privées pendant longtemps.

En ce qui concerne le premier volet du programme, les recherches seront concentrées sur les travaux d’Hubert Pernot sur les dialectes et les traditions musicales de Chios. La question de la langue et de la musique sera au cœur de cette étude, qui ne négligera pas la dimension politique. Dans un premier temps, la découverte récente des cylindres enregistrés par Pernot en 1898 et 1899, qui étaient considérés comme disparus, donnera lieu à une analyse détaillée de leur contenu et du contexte d’enregistrement et permettra de revenir sur le développement de l’ethnomusicologie en Grèce. Nous procéderons également à une comparaison avec les pratiques musicales actuelles dans l’île de Chios et à leur transmission sur trois siècles, L’objectif premier de ce travail est de réaliser une base de données contenant tous les enregistrements réalisés par Pernot. Nous créerons un site internet sur lequel seront mis à disposition ces enregistrements avec des commentaires spécifiques, et qui est appelé à être progressivement enrichi grâce aux enregistrements réalisés par Pernot à Athènes en 1930. Ce projet sera réalisé par une équipe composée de Christophe Corbier (CNRS), Georges Kokkonis (Université de Ioannina) et Dimitris Gianniodis (Université de Nanterre), dans le cadre d’un partenariat entre le Musée d’Ethnographie de Genève, la BnF et le CNRS (Institut de Recherche en Musicologie).

Le second volet du programme est consacré à une étude de terrain à Florina. La région de Florina a été marquée par les guerres multiples qui s’y sont déroulées au XXe siècle, par une politique visant à helléniser la région pendant plusieurs décennies, et par des échanges de population aux conséquences importantes, que les historiens, en Grèce, ont réévalué ces dernières années. Dans ce contexte particulier, la langue et la musique ont joué un rôle fondamental dans les différentes politiques locales et nationales. Enfin, il conviendra d’étudier les travaux, souvent méconnus, des savants français sur le patrimoine oral et musical régional au début du XXe siècle Les recherches sur les pratiques musicales à Florina, dans une double perspective ethnomusicologique et historique, ont été rarement menées jusqu’à présent. L’un des objectifs de cette recherche est la transmission de témoignages de musiciens sur leurs pratiques, et l’analyse de leurs stratégies passées et actuelles pour conserver une culture longtemps réprimée. Une enquête de terrain réalisée par Christophe Corbier et Vassiliki Mavroidakou-Castellana (Centre des Monuments Nationaux) sera d’abord consacrée aux festivals locaux, aux fêtes et aux pratiques musicales dans les lieux de sociabilité. Dans un second temps, nous étudierons les interactions entre musiciens de différentes origines sur le territoire de l’Unité régionale de Florina, et l’évolution actuelle des répertoires. Cette recherche permettra de livrer une description et une analyse des pratiques musicales actuelle, en relation avec la question de la langue macédonienne et des rapports entre la Grèce et la République de Macédoine du Nord. Nous procéderons également, dans les années à venir, à une comparaison avec les pratiques musicales de l’autre côté des frontières gréco-macédonienne et gréco-albanaise. L’une des étapes de ce travail sera l’organisation d’une exposition consacrée à la mémoire des sons, « Présence/Absence. Sons et silence à Florina », en 2024, en partenariat avec l’École des Beaux-Arts de Florina, à la Villa Kérylos.