Thraco-Pel. Thraces et Pélasges aux marges de la Grèce : une ethnographie des origines fantasmées dans les Balkans (XXe – XXIe siècles)

Responsables : Gilles de Rapper (École française d’Athènes) & Galia Valtchinova (Université de Toulouse Jean-Jaurès)

Contact : Gilles de Rapper

Institutions partenaires :

  • École française d’Athènes
  • Département d’anthropologie, Université de Toulouse-Jean Jaurès

Origines fantasmées
Sans être un phénomène entièrement nouveau, les idées populaires et parascientifiques sur les origines les plus anciennes des populations européennes et méditerranéennes sont d’une certaine actualité, comme en témoignent par exemple les tentatives pour identifier des « pyramides » en Bosnie-Herzégovine ou l’engouement pour la civilisation minoenne. Dans ce projet, nous faisons la double hypothèse que l’existence, les formes et le devenir de ces idées (1) sont en rapport avec des configurations politiques particulières et (2) possèdent, malgré leur apparente irrationalité, une logique qui renvoie à la façon dont les individus et les groupes se situent dans l’espace, dans le temps et les uns par rapport aux autres et qui n’est pas totalement étrangère à la logique scientifique. En conséquence, il nous semble important de prendre ces idées au sérieux, d’identifier ceux qui les soutiennent et les diffusent et d’évaluer leur réception et leurs effets.
Il est important d’observer que les idées et représentations de ce type font preuve d’une grande vitalité, prospérant aussi bien dans des cercles fermés « à domicile » que dans des contextes de migration et de circulations transnationales. Il est donc important de se pencher sur les manières dont les idées et discours des origines sont reproduits dans ces différents contextes, empruntant des voies plurielles de diffusion des connaissances (lecture d’ouvrages, réseaux sociaux, etc.) et de s’interroger aussi sur leur fonctionnement en tant que forme spécifique de « capital symbolique ». Étudier les logiques domestiques et transnationales de la construction de ces « savoirs populaires » dans leur interconnexion est l’un des grands défis de ce projet. Un autre défi est de les saisir à l’œuvre, à l’intérieur d’économies « alternatives » de savoirs qui dépendent davantage des revendications identitaires que des savoirs scientifiques.
L’objectif du projet est de poser les bases d’un modèle qui pourrait rendre compte de cette double détermination et faciliter l’analyse et la comparaison des faits de ce genre. Au delà du postulat d’inconsistance, il s’agit d’expliquer l’émergence, le développement et les effets de discours sur l’origine qui ont entre autres caractéristiques celle de s’opposer à d’autres discours établis.

Un programme de recherche comparatif
Pour ce faire, nous proposons de comparer deux exemples, présentant suffisamment de traits convergents et divergents pour autoriser cette comparaison : d’un côté la thracologie, apparue en Bulgarie et en Roumanie à peu près à la même époque, dans les années 1970, qui sera scrutée ici principalement dans sa version bulgare ; de l’autre le néo-pélasgisme, apparu en Albanie dans les années 1990. Les deux cas ont en commun d’avoir pour horizon les frontières nord de la Grèce et d’être explicitement des tentatives de captation – au profit des Thraces, des Pélasges et de leurs descendants modernes – de l’héritage de la Grèce antique. Ce sont, d’une certaine façon, des contre-discours, qui ont dans chaque cas pour résultat de fabriquer une Grèce « alternative », au sens anglo-saxon du mot, une Grèce « d’avant la Grèce ».
Notre étude du néo-pélasgisme et de la thracologie reposera (1) sur l’analyse de l’historiographie et des productions, imprimées et numériques, liées à ces entreprises ; (2) sur des recherches de terrain, visant l’observation directe de manifestations concrètes, et sur des entretiens avec auteurs et lecteurs de ces thèses. On cherchera en particulier à examiner les politiques du patrimoine et la patrimonialisation de sites, d’artéfacts ou de productions rituelles ou orales considérées en lien avec les ancêtres fantasmés qui font l’objet de ces courants d’idées. Dans les deux cas, tant les ressources documentaires de l’EFA que la communauté scientifique que l’EFA constitue seront mises à profit. Qu’il s’agisse d’architecture, d’écriture et d’inscriptions ou encore de rituel et d’univers religieux, le néo-pélasgisme et la thracologie sont en prise directe avec un ensemble de savoirs sur la Grèce et la Méditerranée anciennes qui se trouvent ainsi soumis à des interprétations qu’il sera important de discuter avec les spécialistes.


Toute l’actualité du programme…

30/06 – 02/07/2022 : Thraco-Pel aux Quatrièmes Rencontres d’Études Balkaniques Balkans connectésEn savoir plus…

30/05/2022 : Conférence de G. de Rapper à l’IFEA – L’actualité des Pélasges. Une écriture albanaise de l’histoire de la Méditerranée orientale