Écrire l’histoire de la Grèce franque

Responsables et contacts :  Gilles Grivaud (Université de Rouen), Geoffrey Meyer-Fernandez (EFA) & Ludivine Voisin (EFA)

Institutions partenaires :

  • École française d’Athènes (EFA)
  • Groupe de Recherche d’Histoire de Rouen (UR 3831)
  • Université de Chypre
  • Fondation Marc de Montalembert

Portail numérique du projet : https://frankika.efa.gr/


La période de la domination franque/latine en Grèce manque de reconnaissance institutionnelle du fait de déterminations épistémologiques valorisant l’Empire byzantin comme structure essentielle de l’hellénisme médiéval. Pour preuve, à la vingtaine de périodiques consacrés à l’histoire de Byzance répond un seul titre sur la φραγκοκρατία/francocratie, dont le premier numéro date de juin 2020. Pourtant vieux de quatre siècles, le domaine scientifique que constitue la Grèce franque/latine reste en friche : à l’heure actuelle, aucun site ou portail ne facilite la connaissance des sources et des études renseignant cette période, alors que l’outil internet devient de plus en plus indispensable à la pratique des historiens, en particulier pour les jeunes chercheurs qui s’engagent dans ce champ disciplinaire. Le but de ce programme vise, en premier lieu, à faire de l’École française d’Athènes une institution de référence pour les recherches concernant la Grèce franque/latine.

La convention épistémologique pose la φραγκοκρατία/francocratie comme la période pendant laquelle des pays grecs furent soumis aux « Francs », ethnonyme qui fédère les nations occidentales ayant participé aux croisades ou ayant gouverné des territoires enlevés à l’Empire byzantin.  Si le mouvement précède la Première croisade, puisque les Normands évincent le pouvoir impérial d’Italie du Sud en 1071, l’usage considère que la domination franque et italienne s’étend de 1191, quand Richard Cœur de Lion capture Chypre, à 1797, lorsque la domination vénitienne dans les îles Ioniennes est abrogée. Dans ce processus, la distinction des « nations » ne repose sur aucune réalité tangible, puisque les Occidentaux s’associent dans l’établissement d’institutions de type féodal et de rite latin, quelles que soient les spécificités des situations locales. Ainsi, la Grèce franque/latine inclut les territoires grecs passés sous le contrôle de familles d’origine française ou italienne, des Hospitaliers, des Vénitiens, des Génois, de mercenaires catalans ou navarrais, autant de « nations » qui défendent des conceptions politiques et religieuses profondément distinctes de celles de l’Empire byzantin.
 L’objectif du programme vise à élaborer un site qui offrira aux étudiants et aux chercheurs des outils de recherche numériques, mis à la disposition selon les règles de la « Science ouverte » défendues par l’École française d’Athènes.

  • Un premier stade consistera à proposer un répertoire des sources imprimées, quelle que soit la langue de rédaction ; ce répertoire offrira un accès par auteur, par œuvre, par région, en complétant avec des renvois aux principales études afférentes à l’auteur ou à l’œuvre ; des liens seront fournis pour les manuscrits, archives et imprimés accessibles en ligne.
  • À ce répertoire sera associé un onglet recensant les bases de données existantes liées à ce champ disciplinaire.
  • Un second stade comprendra un élargissement du répertoire pour alimenter une base de données par le biais d’un SIG spécifique, sorte d’atlas géographique de la Grèce franque, où à chaque lieu/monument sera attachée une bibliographie, qui pourra être alimentée à partir des chroniques archéologiques de périodiques (BCH, ABSA, ΔΧΑΕ, RDAC…), ou à partir des principales études spécialisées.
  • Ce SIG appelle à être complété de données épigraphiques, prosopographiques fournies à partir de corpus récents.

À terme, on propose de rassembler sur ce site collaboratif les références bibliographiques et les outils de travail permettant l’investigation d’un champ disciplinaire en pleine expansion, du fait des nombreuses ressources documentaires inexploitées.  

En parallèle à la construction du site web Φραγκικά, on propose une réflexion sur la Grèce franque/latine à travers des ateliers portant sur l’épistémologie de la discipline. Ils prendront la forme de quatre réunions de contributeurs français, grecs ou étrangers, qui réfléchiront à l’approche et à l’apport d’historiens français ayant défriché ou approché le sujet ; on pense en particulier à Charles Du Fresne, seigneur Du Cange (1610-1688), Jean-Alexandre Buchon (1791-1846), Jacques-Marie-Joseph-Louis de Mas Latrie (1815-1897), auxquels seront adjoints des historiens de l’art, tels Camille Enlart (1862-1927) et Albert Gabriel (1883-1972). Ce type d’enquête, loin d’être anodin, précise le cadre idéologique dans lequel se forme et se développe la réflexion sur la Grèce franque/latine.

Les rencontres programmées à Rouen, Athènes, Nicosie et Rhodes se déroulent en partenariat avec le Groupe de Recherche d’Histoire de Rouen (UR 3831), l’Université de Chypre, la Fondation Marc de Montalembert.

Enfin, l’actualité des publications sur la Grèce franque/latine mène à la tenue de webinaires réguliers où sont présentés des ouvrages offrant un intérêt particulier pour le développement de la réflexion scientifique sur des domaines concernant aussi bien l’histoire politique et sociale que l’histoire de la culture et de l’art.

Pour résumer, le programme entend à la fois faciliter les recherches pour qui veut écrire l’histoire de la Grèce franque/latine, et offrir une réflexion sur la manière dont l’histoire de la Grèce franque/latine a été élaborée et continue d’être pensée.