G. Ackermann- Publication de Deux cités dans la « périphérie »

Nouvelle publication de Guy Ackermann, membre suisse de 2ème année :

Guy ACKERMANN, Deux cités dans la "périphérie". Les répertoires céramiques d'Argos et d'Érétrie à la haute époque hellénistique, in A. Peignard-Giros (éd.), Daily Life in a Cosmopolitan World: Pottery and Culture during the Hellenistic Period, IARPotHP 2 (Wien 2019), 225-236.


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Résumé :

Le hasard nous a conduit à étudier la céramique d’époque hellénistique de deux cités que rien ne lie  : d’abord Érétrie dans le cadre d’une thèse de doctorat sous la direction de Karl Reber et de Susan I. Rotroff, puis Argos en vue de la publication des fouilles conduites par l’École française d’Athènes sur la colline de l’Aspis sous la direction de Gilles Touchais et de Sylvian Fachard. À Érétrie, notre projet consiste en l’établissement d’une nouvelle typologie de la céramique entre le dernier quart du IVe et le milieu du Ier siècle en prenant en compte l’ensemble du mobilier issu de nombreux secteurs de la ville antique fouillés durant plus de cinquante années par l’École suisse d’archéologie en Grèce. À Argos, la céramique mise au jour sur l’Aspis correspond pour l’essentiel à une phase d’occupation de courte durée entre le dernier tiers, voire le dernier quart du IVe siècle et les premières années du IIIe siècle. La présente étude est donc limitée chronologiquement pour les deux villes au début de l’époque hellénistique, soit au dernier quart du IVe et au premier quart du IIIe siècle. 
Du point de vue de la culture matérielle, l’un des principaux intérêts présenté par Argos et Érétrie est leur rôle, que l’on pourrait qualifier de secondaire, dans la production de céramique : les potiers de ces deux cités répondent en effet à l’essentiel de la demande locale et de fait leurs productions ne connaissent qu’une diffusion limitée à une échelle régionale (l’Eubée centrale pour les ateliers érétriens et la partie orientale du Péloponnèse pour les argiens). Argos et Érétrie tiennent de même une place marginale par rapport à Athènes et Corinthe, qui sont toutes deux des centres de production importants et des cités dont le mobilier céramique a fait l’objet de nombreux travaux qui leur confèrent un statut de référence pour l’étude de la céramique d’époque hellénistique. C’est pour ces raisons que nous qualifions ici Argos et Érétrie de cités de la «périphérie». Ni les Argiens, ni les Érétriens ne considéraient bien entendu que leurs villes tenaient une place d’une quelconque manière «périphérique» par rapport à leurs voisines. 
Avec nos connaissances acquises à Érétrie, nous pensions retrouver à Argos un répertoire comparable, d’autant que les deux cités sont relativement proches l’une de l’autre : moins de 200 km les séparent par la route ou environ 230 km par voie maritime, soit une très courte distance à l’échelle du bassin méditerranéen et des conquêtes d’Alexandre le Grand. De manière peut-être un peu naïve, nous nous attendions donc à une forme de koiné de la culture matérielle à l’échelle de la Grèce centrale, et ce d’autant plus pour le début de l’époque hellénistique. En effet, de nombreux points communs peuvent être relevés entre les ensembles de céramique des deux cités, notamment dans certaines formes et types de vases communs à Argos et à Érétrie, dans la prédominance des céramiques fines à vernis noir ou encore dans l’adoption de la technique décorative dite West Slope. Les points communs restent cependant plus ténus que les divergences entre leurs répertoires respectifs. En menant une analyse comparative de leurs assemblages de céramique, on s’aperçoit en effet que les potiers ou indirectement les populations des deux villes ont préféré des formes ou des types de vases différents, tant pour la consommation des boissons que pour le service de la nourriture ou la préparation des aliments. Certaines céramiques largement représentées à Argos sont ainsi quasiment absentes à Érétrie à la même période et inversement. La comparaison des deux répertoires conduit ainsi à relever des traits régionaux argiens et érétriens ou plus largement péloponnésiens et eubéens. D’autre part, quelques formes et types de vases sont parfois produits sur une plus longue période dans l’une ou l’autre cité, ce qui trahit une forme de traditionalisme ou de conservatisme, ou du moins un refus des nouveautés apparues sur le marché des cités voisines.